Nucléaire et H2 renouvelable : la position de l’Europe

La publication de règles détaillées pour définir ce que constitue l’hydrogène renouvelable dans l’UE, avec l’adoption de deux actes délégués requis au titre de la directive sur les énergies renouvelables, a été interprétée comme une victoire de la France sur la reconnaissance du nucléaire. Ce n’est pas si simple. Donc, voici les documents pour juger.

Dans un article, publié dimanche, le site Euractiv annonçait « la reconnaissance du nucléaire dans l’hydrogène vert européen ». Il publiait au passage les deux textes. Pour sa part, la Commission Européenne adoptait une position plus neutre, dans le communiqué publié le lendemain. Le premier acte délégué « définit les conditions dans lesquelles l’hydrogène, les carburants à base d’hydrogène ou d’autres vecteurs énergétiques peuvent être considérés comme des carburants renouvelables d’origine non biologique ». Il a pour mérite de clarifier « le principe d’ «additionnalité» pour l’hydrogène énoncé dans la directive de l’UE sur les énergies renouvelables ». Le second acte délégué fournit une méthode de calcul des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie de ces mêmes carburants. Celle-ci « tient compte des émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie des carburants, y compris les émissions en amont, les émissions liées à la consommation d’électricité du réseau, de la transformation et celles associées au transport de ces carburants jusqu’au consommateur final ».

Dans un autre communiqué, baptisé « Questions et réponses sur les actes délégués de l’UE relatifs à l’hydrogène renouvelable », la Commission aborde plus clairement la question du nucléaire. A la question « L’hydrogène produit à partir de l’énergie nucléaire est-il considéré comme «renouvelable» en vertu de ces actes délégués? », elle répond ceci : « Les actes délégués proposés découlent de la directive sur les énergies renouvelables, dans laquelle le nucléaire ne figure pas parmi les sources d’énergie renouvelables. Dans le cadre du train de mesures sur la décarbonation des marchés de l’hydrogène et du gaz proposé en décembre 2021 et en cours de négociation par les colégislateurs, la Commission a proposé une définition de l’hydrogène bas carbone selon laquelle celui-ci provient de sources non renouvelables et produit au moins 70 % de moins d’émissions de gaz à effet de serre que le gaz naturel fossile tout au long de son cycle de vie. Dans le cadre de la proposition de la Commission, une méthode d’évaluation des réductions des émissions de gaz à effet de serre résultant des carburants bas carbone sera définie dans la législation déléguée d’ici au 31 décembre 2024 ».

France Hydrogène a publié hier un communiqué qui saluait « une avancée considérable ». Toutefois, l’association jugeait qu’il « serait erroné de la considérer comme une reconnaissance du rôle de l’hydrogène nucléaire, ou électrolytique bas-carbone ». Elle soulignait d’ailleurs qu’en l’état, « l’hydrogène produit par des électrolyseurs connectés au réseau électrique français qui s’approvisionneraient sur des capacités électronucléaires (via un contrat de long terme par exemple) au lieu de PPAs* renouvelables, ne pourrait être comptabilisé dans l’atteinte des cibles d’utilisation d’hydrogène renouvelable définies dans RED3, ni entrer dans le périmètre de l’Innovation Fund ou dans le périmètre annoncé de la Banque européenne de l’hydrogène ». Pour Philippe Boucly, Président de France Hydrogène, « L’histoire ne s’arrête pas là, nous poursuivrons nos efforts pour que l’hydrogène produit à partir d’électricité nucléaire soit reconnu dans l’atteinte des cibles de décarbonation ».

Pour sa part, le site Euractiv revient sur ces fameux actes délégués, en titrant que « la France demande de la « cohérence » entre les textes européens ». Ces propos ont été tenus lundi par le cabinet de la ministre de l’Énergie, qui visait notamment la directive énergie renouvelable (RED II) en cours de négociation par les législateurs européens. Selon cette même source, « l’ensemble des autres textes à venir sur le sujet hydrogène devraient aussi prendre en compte les conclusions de ces derniers jours ». Et Euractiv de traduire : « Il s’agit ainsi des textes législatifs comme le règlement ReFuelEU sur les carburants dans l’aviation, mais aussi des memorandums d’entente (MoU). Ce pourrait également être le cas dans le financement des futurs projets d’hydrogène, dans le cadre notamment de la banque européenne de l’hydrogène annoncée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en septembre dernier ».

Toujours selon ce site, la France compte sur le soutien de ses voisins, Allemagne et Espagne en tête, avec lesquels elle a récemment signé des accords de développement d’infrastructures de transport d’hydrogène transfrontalières.

*Power Purchase Agreements

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à propos de l'auteur

Laurent Meillaud

Laurent Meillaud

Journaliste automobile depuis plus de 30 ans, suivant les évolutions technologiques, je m'intéresse aussi aux énergies alternatives, dont l'hydrogène que je suis depuis 20 ans. J'ai co-écrit un ouvrage à ce sujet en 2007 avec Pierre Beuzit, ancien patron de la R&D chez Renault. Je collabore également depuis 2016 à la newsletter de France Hydrogène.

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