« Il y a un appétit important autour du financement de projets » : Pierre-Etienne Franc, co-fondateur et directeur général du Fonds Five T Hydrogen
Connu comme le loup blanc au sein de l’écosystème, « PEF » prend la tête d’un fonds d’investissement dédié à l’hydrogène. Il nous explique quelle est sa vocation et comment il peut aider la filière à passer à l’échelle.
Est-ce un nouveau métier pour vous ?
Oui et non, car c’est au fond un prolongement de ce que je faisais avant au sein de l’écosystème. L’idée est venue lors d’un échange avec Andy Marsh, le PDG de PlugPower. Sa société a connu des difficultés il y a quelques années et a dû se refinancer. Ce coup de pouce lui a permis de se hisser au niveau où elle est aujourd’hui. PlugPower a donc logiquement rejoint le fonds Five T Hydrogen, tout comme Chart Industries et Baker Hugues. Nous accueillons dans un premier temps des acteurs américains qui s’impliquent de plus en plus sur ce marché. Mais, la vocation est d’accueillir des partenaires du monde entier. Le fonds fonctionnera de manière indépendante dans ses décisions d’investissements, comme n’importe quel fonds de ce type.
Quelle est la vocation de ce fonds ?
Il doit servir de catalyseur pour aider des projets à passer à l’échelle. Nous ne souhaitons pas nous associer à des démonstrateurs. Ce que nous voulons, c’est aider en priorité des projets liés à l’infrastructure car c’est là que les besoins sont les plus urgents. Il y a des incertitudes quant au modèle économique. Mais notre rôle est justement de consolider les investissements et d’aider les acteurs à améliorer la rentabilité de leurs projets, à les ancrer dans le réel. Nous allons nous intéresser à des projets économiquement viables qui passe l’économie de l’hydrogène à l’échelle. Le fonds vise bien sûr la rentabilité. Nous allons donc travailler avec de grands acteurs industriels et faire en sorte que ces assets investis deviennent les infrastructures piliers du système énergétique de demain, en particulier dans les secteurs des transports et de l’énergie. Le fonds Five T Hydrogen interviendra en amont sur la production, avec une logique d’hydrogène vert ou bleu, et en aval sur la distribution en stations et sur les flottes de véhicules. Il s’agit bien d’accompagner l’économie de l’hydrogène.
Vos premiers partenaires apportent 260 millions d’euros. Quelles sont vos ambitions ?
Nous souhaitons atteindre le milliard d’euros d’ici 12 mois. C’est un objectif réalisable, car l’appétit est important. Le fonds espère attirer des financiers mais aussi des industriels. Air Liquide y réfléchit. Le groupe a déjà un fonds d’investissement doté de 100 millions et baptisé ALIAD (Air Liquide Venture Capital), mais qui ne s’intéresse pas qu’à l’hydrogène. Nous pourrions jouer ce rôle. J’ai eu l’occasion aussi de faire une présentation auprès de l’Hydrogen Council et c’est prévu également chez Hydrogen Europe. Nous allons cibler dans un premier temps les pays qui soutiennent l’hydrogène et ont des stratégies pluri-annuelles d’investissement comme par exemple en France, en Allemagne et dans certains pays d’Europe. Nous allons aussi regarder du côté de la Corée et du Japon, ainsi qu’en Australie, et peut-être même en Chine. La situation est également en train de changer aux Etats-Unis, depuis l’élection de Joe Biden qui tient un discours ambitieux sur les énergies alternatives.
Qu’en pensent les autorités françaises ?
J’ai eu l’occasion d’échanger avec Jean-Baptiste Djebbari, le ministre en charge des transports dans le cadre d’une émission sur le canal B Smart, et il m’a semblé l’entendre reconnaître la pertinence de cet outil. Jusqu’à présent, l’hydrogène a été un peu le parent pauvre en matière de financement, car ce type d’énergie reste encore un pari incertain. Mais justement, il y a maintenant des pays qui enclenchent des projets.
On entend beaucoup parler de HyDeal, qui est un projet ambitieux. Cela entre dans votre périmètre ?
C’est une agrégation d’acteurs autour d’un objectif ambitieux, mais il faut que cela devienne réel. Ce qui est important, c’est de ne pas brûler les étapes, et de démarrer avec des projets de taille raisonnable immédiatement réalisables. Il y a peut-être d’autres projets à faire avant.
Vous avez donc quitté vos anciennes fonctions ?
Oui, je suis parti du groupe Air Liquide au 1er avril. Et je ne suis plus non plus secrétaire général de l’Hydrogen Council. Je suis actuellement en train de constituer mon équipe. Nicolas Brahy, qui est le directeur d’Hydrogen Europe, a décidé de nous rejoindre. J’ai aussi deux collègues d’Air Liquide qui vont venir étoffer les effectifs. Et nous pouvons compter sur les talents d’experts financiers qui connaissent les rouages des marchés. Aujourd’hui, le fonds a deux antennes, une à Paris et une autre à Zurich. Mais avec le temps, nous allons nous implanter dans les pays à fort potentiel. Et l’équipe s’enrichira d’experts dans l’investissement et dans les métiers amont et aval de l’hydrogène.
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