Le CEA vient de publier la première étude faisant état de la dynamique de la demande européenne en hydrogène bas carbone et en molécules dérivées (e-fuels…) d’ici 2040. Baptisée « SISYPHE », elle s’appuie notamment sur le témoignage de 70 industriels européens et pointe un risque élevé de non atteinte des objectifs européens.
Alors que le plan européen REPowerEU a fixé un objectif de consommation de 20 millions de tonnes par an d’hydrogène renouvelable à l’horizon 2030 en Europe, il pourrait y en avoir 10 fois moins à l’arrivée. C’est ce que révèle l’étude SISYPHE qui pointe un sérieux décalage entre ces objectifs et la demande projetée. Ainsi, la demande en hydrogène électrolytique estimée ne serait que de 2,5 millions de tonnes en 2030 et de 9 millions en 2040.
La sidérurgie et le transport aérien principaux clients
En l’état actuel, la sidérurgie et le transport aérien seraient les secteurs les plus demandeurs en hydrogène électrolytique sur la période 2030-2040. Selon le CEA, il y a encore des incertitudes concernant la chimie et la raffinage*. Par ailleurs, la demande est limitée pour le transport routier et maritime d’ici 2030. L’Europe n’a pas tellement intérêt à échouer, car « un développement limité de l’hydrogène augmente le risque de désindustrialisation, entrainant de facto une perte de souveraineté », indique l’étude.
Parmi les freins, le document pointe le coût de l’électricité bas carbone qui est élevé en Europe. Un facteur qui a son importance, quand on sait que la consommation en Europe pour faire de l’électrolyse sera de 120 TWh en 2030 et 420 TWh en 2040. L’autre point concerne la capacité des électrolyseurs à répondre à la demande. L’étude suggère d’installer au minimum 3 à 5 GW d’électrolyseurs chaque année à compter de 2028, voire plus. Ce qui pose la question de la disponibilité d’électrolyseurs de grande puissance dès la fin de la décennie.
Agir avec des mécanismes financiers
Au-delà du constat, qui souligne que la réglementation européenne jugée trop contraignante ou trop fluctuante, ce document fait des propositions. Ainsi, le CEA suggère d’accélérer le développement de capacités de production d’électricité bas carbone (renouvelables et nucléaires) en Europe ; d’assurer le passage à l’échelle des installations de production d’hydrogène et de molécules dérivées (notamment en développant de la R&D appliquée pour accélérer la fiabilisation des électrolyseurs de forte puissance et leur industrialisation) ; et enfin de clarifier et stabiliser les mécanismes de support.
L’Europe risque d’être coupée en deux avec les pays à électricité faiblement carbonée et qui ont des ENR ((pays nordiques, France, péninsule ibérique) et ceux (Benelux et d’Europe centrale et orientale) aux ressources plus limitées qui devront importer de l’hydrogène.
L’étude, publiée par le centre de recherche en économie i-Tésé du CEA est à lire ici.
*Pourtant, l’appel d’offres lancé par TotalEnergies pour ses raffineries est un puissant signal