Voiture à hydrogène : un doc à charge d’Hugo Clément

Hugo Clément voiture à hydrogène
Voiture à hydrogène : un doc à charge d’Hugo Clément

France 5 diffuse ce soir à 21 h l’émission Sur le front (avec Hugo Clément) qui portera sur le thème : « La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? » Nous l’avons regardée. L’activiste écologiste fait le procès de l’hydrogène, y compris vert.

Sur la page de l’émission, voici ce que la chaîne écrit (avec une faute d’orthographe au passage) : « La voiture à hydrogène fait rêver : elle ne rejette que de la vapeur d’eau. Aurions-nous trouver (sic) la solution miracle pour se déplacer sans polluer ? Comment est produit l’hydrogène en France ? Combien coûte-t-il ? Hugo Clément visite de gigantesques projets industriels partout sur le territoire et découvre qu’actuellement, la voiture à hydrogène émet plus de gaz à effet de serre que la voiture diesel. Dès lors, peut-elle réellement constituer une alternative à la voiture thermique ? Enquête circonstanciée ».

Sur son compte Twitter, Hugo Clément diffuse une bande-annonce d’une minute trente environ. Le ton est donnée avec une accumulation de clichés (« qu’est-ce que cache le boom de l’hydrogène », « ces gens se foutent de l’environnement et veulent faire du fric rapidement ») et une question grave : « il faut regarder la chaîne de production ». Et le problème, c’est qu’Hugo Clément fait une fixette sur Air Liquide. On se souvient qu’il avait voulu filmer un site du groupe en Normandie avec un drone et sans autorisation (alors qu’il se trouve dans une zone classée Seveso). Voici l’article que nous avions publié à l’époque.

Air Liquide : la cible idéale

L’émission étant déjà en ligne, nous l’avons regardée. En fait, la thèse principale est qu’on cache aux français que l’hydrogène est produit dans des conditions inavouables. Au passage, Hugo Clément fait témoigner un ancien syndicaliste d’Air Liquide, qui affirme bien sûr que l’hydrogène propre c’est de la com’. Il déclare que la production d’hydrogène rejette un milliard de tonnes de CO2, soit autant que « tout le transport aérien ».

Le documentaire explique que le CO2 récupéré par Air Liquide à Port-Jérôme sert ensuite à gazéifier les bouteilles de Coca et que ça sert aussi à étourdir les porcs dans les abattoirs. Vous avez compris le résumé : la voiture à hydrogène tue les cochons. Par ailleurs, c’est aussi l’occasion de se payer les taxis Hype, dont les voitures sont recouvertes de nuages. Un pauvre chauffeur pâlit en découvrant l’usine de Port-Jérôme, car il ne savait pas comment était produit l’hydrogène. L’émission avance qu’Air Liquide finance ce projet (ou du moins l’était, car Hype a rompu les liens avec Hysetco et poursuit avec de nouveaux partenaires dont HRS et McPhy et pour le coup avec de l’hydrogène vert), et que la compagnie de taxis a touché des millions d’euros de la part de l’Europe. Traduction : c’est une magouille couverte par Bruxelles.

Un postulat erroné autour de l’automobile

Le documentaire débute par une séquence au Mondial de l’Auto, où des prototypes (l’Hopium Machina et le HUV de Namx) sont présentés comme la « solution miracle ». En fait, le postulat de départ est déjà bancal. Aucun acteur n’a prétendu remplacer toutes les voitures thermiques par des voitures à hydrogène. La pile à combustible est complémentaire de la batterie, la voiture à hydrogène étant également électrique (ce qui n’est jamais précisé, soit dit en passant en 52 mn). Et la plupart des critiques soulevées, notamment sur la disponibilité en énergies renouvelables, s’adressent tout autant à la voiture à batterie qu’Hugo Clément n’aime pas beaucoup non plus. Une voiture qui sera pourtant obligatoire en Europe en 2035 sur le marché du neuf.

Surtout des militants qui s’expriment

Plusieurs témoins sont là pour dénoncer l’hydrogène, il s’agit essentiellement de militants. Par exemple, une certaine Océane, étudiante en environnement, et concernée par un projet de déforestation dans les Landes (on en reparle plus tard), est là pour attaquer les taxis Hype. Elle fait référence à l’ADEME pour dire qu’un véhicule roulant à l’hydrogène (produit à partir de gaz) rejette 216 g de CO2 en tenant compte des émissions générées en amont. Soit, « plus qu’un véhicule thermique » (et en l’occurrence il est fait référence à un seuil de 212 g de CO2, qui paraît bien optimiste si on consulte ce document de The Shift Project). Et quel est ce chiffre quand l’hydrogène est vert ? On ne le saura pas (mais selon l’Ademe, c’est 75 % de moins qu’un véhicule Diesell).

C’est bien sûr un militant de L214 qui attire l’attention sur le CO2 dans les abattoirs. Et une association Horizon Forêt est là pour dénoncer l’abattage de pins par Engie et Neoen qui veulent y implanter une centrale solaire dans les Landes. Aucun rapport avec la voiture.

Un apport scientifique biaisé

La caution scientifique est apportée par un docteur en physique de la Quadrature climate foundation (organisme pas spécialement compétent sur ce sujet, son métier d’origine étant la donnée informatique), qui dit que l’hydrogène n’est pas pertinent pour la mobilité personnelle et qu’il faut regarder la chaîne de production. Un chercheur de l’INSA de Toulouse nous dit que si toutes les voitures thermiques étaient remplacées par des modèles à hydrogène, il faudrait construire 46 centrales nucléaires de plus.

Lunaire… Hugo Clément est allé également rencontrer l’INERIS, qui travaille sur les problèmes de sécurité. Mais c’est pour faire peur, en suggérant que 600 g d’hydrogène pourraient suffire à faire exploser une voiture (alors que sur les milliers de véhicules circulant dans le monde, aucun n’a jamais explosé). Il fait aussi référence à des explosions dans des stations en Norvège (c’est arrivé en 2019, en raison d’un problème d’étanchéité sur un joint) et aux Etats-Unis (fait non avéré à notre connaissance).

Un procès de l’hydrogène vert

Hugo Clément critique aussi l’hydrogène vert. Sa présentation de la station avec électrolyseur d’Hysetco à la porte de Saint-Cloud et de l’usine de Lhyfe en Vendée à Bouin ne sont que des prétextes pour dénoncer les quantités importantes d’énergie dont a besoin justement l’hydrogène vert. Et l’éolien marin ? Pas mieux. Un militant (un de plus !) affirme que l’usine de Port-la-Nouvelle n’aura pas assez d’énergie et va faire appel à des bateaux en provenance du sultanat d’Oman et remplis d’hydrogène vert. Le présentateur de l’émission s’étrangle en découvrant qu’on va importer de l’hydrogène (c’est la stratégie officielle de l’Europe). Puis, on embraye sur les projets de pipelines entre la France et l’Espagne pour mieux dénoncer les projets de champs de panneaux solaires en Andalousie.

Un mauvais coup pour la filière

Bilan : un documentaire à charge. Hugo Clément voulait apparemment se venger d’Air Liquide. C’est fait, avec notamment la pompe qui affiche 18 € le kilo d’hydrogène. Et dans une énième pseudo caution scientifique, le chercheur Aurélien Bigo, qui anime la Chaire Energie et Prospérité, parle « d’hérésie » concernant la voiture à hydrogène. Le seul débouché qu’il voit est celui du fluvial.

On leur conseille de lire Hydrogen Today. Ils peuvent aller également voir le site de France Hydrogène, où il existe une page de fast-checking. Et sinon, pour ceux qui veulent aller plus loin, l’Ademe publie un bilan des projets financés.

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à propos de l'auteur

Laurent Meillaud

Laurent Meillaud

Journaliste automobile depuis plus de 30 ans, suivant les évolutions technologiques, je m'intéresse aussi aux énergies alternatives, dont l'hydrogène que je suis depuis 20 ans. J'ai co-écrit un ouvrage à ce sujet en 2007 avec Pierre Beuzit, ancien patron de la R&D chez Renault. Je collabore également depuis 2016 à la newsletter de France Hydrogène.

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