La priorité affichée par le gouvernement pour l’industrie suscite l’inquiétude des acteurs impliqués dans la mobilité. Elle était visible hier, lors de la conférence annuelle de France Hydrogène.
« Nous espérions accueillir Agnès Pannier-Runacher pour annoncer la révision de la stratégie nationale, mais elle a préféré venir à l’inauguration de la giga factory de Symbio » : c’est en ces termes que le Président de France Hydrogène, Philippe Boucly, a excusé la ministre de la transition énergétique. A priori, ce déplacement de Mme Pannier-Runacher et de Roland Lescure était plutôt un bon signe. La veille, la rumeur bruissait d’une possible annonce des contours de la future stratégie. Mais, le jour J, le discours de la ministre a plutôt fait l’effet d’une douche froide.
Lors de la session de questions-réponses avec la presse, les patrons des grands groupes actionnaires de Symbio (Michelin, Forvia et Stellantis) étaient d’ailleurs assez réservés suite à ces annonces. Pour sa part, Carlos Tavares a souligné qu’il était nécessaire de soutenir au moins à hauteur de 30 000 euros les aides à l’acquisition d’un véhicule utilitaire à l’hydrogène.
Jean-François Copé appelle à se faire entendre
Hier, dans les Salons Hoche, l’inquiétude était palpable. Et elle n’a pas été dissipée par les déclarations de Hoang Bui, le coordonnateur de la stratégie nationale d’hydrogène décarboné. Philippe Boucly a souligné que la mobilité intensive et professionnelle figurait parmi les angles morts. À son tour, Jean-Luc Brossard qui représentait la PFA, a plaidé pour des aides venant soutenir la demande. Ce discours a aussi été tenu par Jean-François Copé. Le maire de Meaux, Président de la métropole et de Roissy-Meaux aéropôle, a incité la filière à se faire entendre. Il a confié à l’assemblée présente sa conviction que l’hydrogène avait un rôle à jouer dans les zones aéroportuaires (il a organisé des rencontres sur le thème de l’hydrogène en octobre) et dans la mobilité terrestre.
A noter que Jules Nyssen, le Président du SER (Syndicat des Energies Renouvelables) a évoqué le rôle que pourraient jouer les carburants de synthèse (les fameux SAF). Il y croit, d’autant que ces e-fuels n’ont pas de limites physiques, car ils n’utilisent pas la biomasse. Il faut miser sur cette voie alternative, selon lui.
Des acteurs déjà engagés
Présent à cette conférence, le Président du pôle Véhicule du Futur, Thierry Tournier, nous a partagé aussi son inquiétude. Le pôle représente des industriels implantés en Bourgogne Franche-Comté et dans le Grand Est. Parmi eux, il y a Forvia (actionnaire de Symbio, et dont la giga factory de réservoirs a été inaugurée en octobre), mais aussi Inocel (l’entreprise fondée par Mike Horn et Mauro Ricci, le fondateur d’Akka technologies), qui va ouvrir à Belfort une giga factory de piles à combustible.
Au titre de porte-parole d’entreprises engagées dans la mobilité, Thierry Tournier s’étonne qu’Agnès Pannier-Runacher ait choisi le cadre de l’usine Symbio pour finalement dire que la mobilité n’est pas la priorité. Il se trouve que le pôle travaille aussi sur les usages, avec un projet qui vise à décarboner le transport routier sur l’axe Rhin-Rhône. « L’hydrogène fait partie des solutions, car on fait le plein rapidement », explique-t-il. « Certes, il y a aussi des camions électriques à batterie, comme le Mercedes Actros. Mais, sa recharge rapide nécessite des super chargeurs de 200 à 400 kW. Les entreprises n’ont pas forcément le contrat adéquat en électricité pour supporter de telles infrastructures », poursuit-il.
Le sentiment est que le manque de soutien à la mobilité, alors que la France compte des industriels qui savent faire des piles et des réservoirs, et que la directive AFIR laisse entrevoir l’ébauche d’un réseau de stations, pourrait être dangereux pour la filière hydrogène. « Tout risque de s’écrouler comme un château de cartes », redoute Thierry Tournier. Une inquiétude partagée par d’autres acteurs.